Cartographie de l’accessibilité au Canada

Maayan Ziv se souvient très bien de la cour de la maternelle qu’elle a fréquentée, mais ses souvenirs ne sont pas ceux de moments de plaisir et de jeux. Elle se souvient plutôt de toutes les choses qu’elle ne pouvait pas faire — sauter, courir, grimper — comme les autres enfants.

Maayan est née avec la dystrophie musculaire. À 29 ans, elle ne connaît le monde qu’en fonction de la perspective que lui donne son fauteuil roulant. Au lieu de laisser son handicap la condamner à rester en marge d’un monde conçu pour les personnes qui ne sont pas handicapées, elle veut rendre ce monde plus accessible pour les personnes comme elle.

Maayan Ziv

« Mes parents n’ont jamais considéré mon handicap comme un problème », précise la jeune femme, consciente que leur attitude était à la fois exceptionnelle et déterminante. « Ils m’ont simplement dit de leur demander ce dont j’avais besoin. »

Maayan l’a fait. Seule élève visiblement handicapée à son école primaire d’une banlieue du nord de Toronto, elle se souvient d’avoir vu ses parents participer à la construction d’une rampe en bois pour relier la cour à la classe de maternelle. Quand elle a changé d’école, elle les a vus participer à la construction d’une rampe bien plus longue, entre le premier et le deuxième étage.

« J’ai appris très tôt que soit je devais m’adapter à mon environnement, soit il devait être adapté à moi ». Quand Maayan a atteint l’âge adulte, une autre prise de conscience s’est imposée : que les choses n’ont pas à être ainsi; que si l’accessibilité était une priorité et non une réflexion après coup, Maayan n’aurait pas besoin de demander constamment de l’aide.

Si l’accessibilité était une priorité et non une réflexion après coup, Maayan n’aurait pas besoin de demander constamment de l’aide.

Pendant ses études en photographie à l’Université Ryerson, Maayan postule un emploi dans un organisme local. En voulant se rendre à son entrevue d’embauche, elle constate que des escaliers l’empêchent de monter aux bureaux de l’organisme. Elle doit donc faire l’entrevue sur un trottoir achalandé du centre-ville de Toronto. Elle se dit que ce genre d’expérience pourrait être évité.

Avec l’aide de quelques amis férus de technologie, Maayan crée un site Web interactif qui cartographie son environnement — Toronto — en fonction de l’accessibilité des lieux. Toute personne utilisant le site peut indiquer sur la carte les endroits accessibles, les marches, les obstacles, les entrées secondaires accessibles, les indications en braille. Les utilisateurs laissent de nombreux commentaires positifs.

L’outil de Maayan — qu’elle appelle AccessNow — est retenu par l’incubateur d’entreprises de médias numériques de Ryerson, Digital Media Zone. Grâce au sociofinancement et à des amis et amies, elle transforme son site Web en application mobile en 2015. Aujourd’hui, AccessNow emploie six personnes à son bureau du centre-ville de Toronto et donne accès à des cartes de plus en plus grandes et précises pour des villes situées dans 34 pays.

On y trouve une foule de détails : où trouver la clé de la toilette accessible dans la boîte de nuit la plus branchée de Berlin; le nom d’un sauveteur toujours prêt à vous aider à la plage Gordon de Tel-Aviv; un trajet accessible dans la gare Union de Toronto si l’ascenseur tombe en panne. On peut aussi comprendre en un clin d’œil qu’il existe encore beaucoup d’endroits non accessibles en voyant le nombre de punaises rouges montrant un pouce baissé.

Le grand nombre d’endroits difficiles d’accès stimule Maayan. Pour elle, les remerciements que lui adressent un grand nombre d’utilisateurs et d’utilisatrices représentent l’aspect le plus motivant de son travail. Souvent, ces personnes lui disent avoir le sentiment de gagner un certain pouvoir sur leur vie grâce à cet outil conçu spécialement pour elles, ce qui contribue à réduire leur anxiété pendant leurs déplacements et à leur faire sentir qu’elles font partie d’une communauté élargie.

Même si sa passion première demeure la photographie, Maayan n’a pas l’impression de sacrifier quoi que ce soit pour gérer son entreprise et militer. En fait, AccessNow la fait voyager et son appareil photo a toujours sa place dans ses bagages.

Les remerciements que lui adressent un grand nombre d’utilisateurs et d’utilisatrices représentent l’aspect le plus motivant de son travail.

« Je vais continuer ce que je fais tant que j’aurai l’impression de contribuer à améliorer les choses », dit-elle, soulignant que c’est pour l’égalité, un droit fondamental de la personne, qu’elle se bat.

Maayan Ziv

« Nous n’en sommes pas encore là, l’égalité n’est pas encore une réalité, mais de nombreuses organisations placent la barre plus haut. » Lors de ses fréquentes interventions, Maayan demande à son public de reconsidérer la façon de concevoir l’accessibilité : non pas comme une solution technique, mais comme un changement de mentalité dont tout le monde peut bénéficier. « Lorsque les personnes y voient un avantage concurrentiel, elles y adhèrent. »

1 personne sur 5 âgée de 15 ans et plus au Canada
(soit 6,2 millions de personnes) a au moins un handicap limitant ses activités.
90% de la population canadienne conviennent que
l’accessibilité pour les personnes ayant un handicap
physique est un droit de la personne.
Au Canada, les personnes handicapées gagnent moins que les personnes n’ayant pas de handicap et sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté
12%
de moins pour les personnes
légèrement handicapées
51%
de moins pour les personnes
plus gravement handicapées.

Statistique Canada. Enquête canadienne sur l’incapacité, 2017. Statistique Canada, 2018, no au catalogue 89-654-X.

Rick Hansen Foundation et Angus Reid Institute. Canadian Mindsets on Disability and Accessibility, 2015 (en anglais).

90% de la population canadienne disent que le Canada doit, en priorité, s’assurer que tous puissent participer pleinement à la société.
59% des personnes handicapées âgées
de 25 à 64 ans occupent un emploi
comparativement à
80% des personnes n’ayant pas de handicap.